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Dans un monde où le chaos ne faiblit plus, certaines voix ne cherchent pas à l’apaiser — elles y entrent pour y laisser une empreinte, une trace humaine. Elles s’y plongent sans détour, non pas pour couvrir les cris, mais pour redonner un visage à ce qui se perd. Elles parlent là où d’autres se taisent, refusant que le vacillement devienne silence. C’est là que Wake The Dead respire. Entre la rage et la lucidité, quelque part dans cette ligne fragile où tout vacille mais tient encore. Rien n’y sonne faux, rien n’y est épargné. The Great Disappointment ne cherche pas à consoler. Il dit ce qui brûle, ce qui s’effrite, ce qui demeure — quand tout s’effondre autour.
 
Ça ne commence pas, ça s’installe. Un calme étrange, presque trop parfait, qui précède quelque chose qu’on ne distingue pas encore. L’air semble retenir sa respiration, comme si le son hésitait à naître. Un frottement, un souffle, tension légère — quelque chose d’invisible, mais déjà là, qui fait battre le silence. Le monde semble attendre, suspendu à une vibration trop fragile pour durer. Puis, sans prévenir, la fissure s’ouvre. Une voix s’échappe, froide, mécanique — « déjà mort ? »
 
 
 
 
Un cri profond — bienvenue dans The Great Disappointment, sorti le 31 octobre 2025. Ce n’est pas une ouverture, c’est une faille. Le calme se brise sans bruit, libérant un souffle dense — humain, pas pour effrayer mais pour exister. Il s’étend, discret et vital, comme une clarté qui traverse l’ombre, révélant ce qu’on refusait de regarder. Quand le monde s’effondre, Wake The Dead le relève, lui rend du poids, du souffle et un peu de chair. C’est là que With No Regrets, premier single paru le 29 août 2024, trouve son sens : une manière de dire ce qu’on tait, d’affirmer sans fracas que la parole peut encore porter. Un morceau qui ne cherche pas la délivrance, mais la lucidité. Il parle d’avancer en portant le feu, pas en le niant. Rien n’y sonne comme une fuite : c’est un pas ferme dans la poussière, une main tendue au milieu du chaos. Les guitares de Guillaume et Nico alternent entre lourdeur et clarté, traçant une tension continue qui soutient chaque mot. La batterie de Léo agit comme une pulsation intérieure — tantôt contenue, tantôt éclatante — rappelant que la force vit autant dans le silence que dans l’impact. Chargée d’émotion, la voix d’Aleksandra avance comme un souffle qui cherche la vérité. Chaque mot porte, redresse, maintient. On y sent le battement du réel — un souffle qui relie, qui rassemble, qui porte. Alors, c’est tout un élan collectif qui prend forme — humain, entier, vrai.
 
Formé en 2010 à Marseille, le groupe de hardcore — Wake The Dead avance comme on traverse le temps : sans calcul, sans course. Quinze ans à exister sans précipitation, à chercher non pas la vitesse, mais ce point d’équilibre où tout devient juste, où chaque note reste. Cinq musiciens, Aleksandra au chant, Guillaume et Nico aux guitares, Yvan à la basse, Léo à la batterie. Une seule impulsion pourtant : tenir debout, reliés par le même souffle, tant qu’il reste quelque chose à dire. Les visages ont changé, mais le cœur bat toujours au même rythme. Leur histoire n’est pas une course vers le haut, mais un mouvement en avant — solide, constant, nourri par ce besoin de durer. Une évolution sincère, à taille humaine, qui grandit sans jamais perdre son centre. Une trajectoire discrète mais vivante, ancrée dans la scène marseillaise, nourrie par cette nouvelle vague qui redonne au hardcore toute sa force et son souffle humain. Rien d’excessif, rien de forcé : juste la continuité d’un élan sincère, porté par le besoin de rester vrai dans un genre qui se transforme sans cesse.
 
The Great Disappointment a été produit et enregistré par Flo Salfati (LANDMVRKS), qui ne cherche pas à modeler le groupe, mais à le révéler tel qu’il est. Le son garde cette chaleur vraie, cette sincérité rugueuse qui traverse chaque note et relie le son au geste — le geste à l’émotion. On y sent la pièce, les amplis, la proximité des voix et cette intensité naturelle qu’aucun mix ne peut fabriquer. Treize titres, trente-cinq minutes : le format parfait pour dire beaucoup sans jamais s’étendre. Un album qui ne cherche pas à séduire, mais à durer, à laisser quelque part la marque d’un passage. Il y a dans leur énergie quelque chose de la franchise d’un Comeback Kid, et de cette rage lucide qu’incarne SharpTooth — non pas des influences, mais des reflets, des battements communs. Un souffle collectif, à la fois humain et vibrant, traverse chaque note et fait tenir tout l’ensemble.
 
 
 
 
Derrière la puissance de The Great Disappointment, il y a ce regard qui ne fuit pas. Celui d’un groupe qui ne cherche ni l’héroïsme ni la posture, mais la clarté au milieu du tumulte. Le monde s’épuise, les certitudes s’effritent, et Wake The Dead choisit de ne pas détourner les yeux. Chaque titre agit comme un fragment de réalité, un morceau du même miroir fissuré : 2050 imagine une terre qui s’ouvre, où l’air deviendra poison. The Blue Glow observe la nature se reformer, patiente et obstinée, même après la brûlure nucléaire. Binary Anthem explore la frontière floue entre l’humain et la machine, cette zone où la pensée se délègue et où la conscience s’efface peu à peu. Et avec Cowspiracy, clin d’œil au documentaire du même nom, le groupe s’attaque à la cause animale et à l’inaction collective — sans rage, sans moralisme, mais avec une sincérité désarmante.
 
 

 

Mais derrière tout ça, il y a aussi un titre fantôme, profond, presque dissimulé. Un fil invisible relie The Great… à …Disappointment, comme deux battements d’un même souffle. Écoutés l’un après l’autre, ils forment le titre même de l’album — mais aussi un titre à part entière, un fragment secret, pensé comme une extension du disque lui-même. Ce n’est pas une simple idée symbolique, mais un geste sincère, une trace laissée volontairement entre les lignes. Ce titre fantôme agit comme une porte cachée, une dernière respiration avant le silence, un espace suspendu entre la fin et le recommencement. Dans cette jonction fragile, Wake The Dead dépose un signe — une émotion, une empreinte, quelque chose qui persiste quand tout s’éteint. Un souffle discret, mais vivant, qui rappelle que même la désillusion peut encore contenir un peu de lumière.

Au bout du compte, tout s’apaise. The Great Disappointment ne se referme pas — il s’éloigne, lentement, comme un plan qui recule sur un paysage encore fumant. Les guitares restent seules un instant, suspendues dans l’air, dessinant les contours d’un espace où tout semble retenu. Puis la voix revient, lointaine, presque spectrale. Elle ne hurle plus, elle appelle. Comme un écho qui cherche sa réponse, un cri qui se perd dans la lumière. Il n’y a plus de colère, plus de lutte, juste cette vibration persistante qui flotte, tranquille, dans le silence revenu. On sent encore la poussière retomber, la chaleur des amplis, le souffle d’avant la fin. Et quand tout s’éteint, rien ne s’effondre : le son s’efface sans disparaître. Il reste dans l’air une trace douce, comme un souvenir qu’on n’essaie plus de retenir. The Great Disappointment s’achève ainsi — pas dans la rage, mais dans la résonance. Une lumière simple, posée, qui s’attarde encore un peu, comme pour s’assurer que tout va bien.